La Marère, culminant à 2221 mètres d’altitude, incarne l’archétype même du sommet pyrénéen oublié du grand public mais prisé des connaisseurs. Discrète, exigeante, spectaculaire, cette cime nichée entre les vallées d’Aspe et d’Ossau offre aux randonneurs expérimentés une aventure rare, marquée par l’effort, l’engagement et la récompense visuelle.
Un sommet discret au cœur des Pyrénées
Située dans la chaîne axiale des Pyrénées béarnaises, la Marère partage ses lignes de crête avec des sommets comme le Montagnon d’Iseye ou la Table de Ponce. Pourtant, elle reste paradoxalement méconnue. En cause : une accessibilité réduite, une absence de balisage officiel et, surtout, une dernière section exposée que seuls les montagnards aguerris devraient envisager. Cette discrétion fait tout son charme. Ici, pas de foule ni de sentiers aseptisés : on entre dans un monde brut, minéral et silencieux.
Le sommet de la Marère se distingue par son isolement visuel et physique. De ses flancs escarpés, on peut contempler l’ensemble du cirque glaciaire de Sesques, le massif du Balaïtous ou encore les silhouettes déchiquetées du Pic du Midi d’Ossau et du Palas. L’expérience est sensorielle, presque mystique, tant le calme règne à ces altitudes.
Des itinéraires d’accès variés, mais exigeants
Depuis Laruns par la cabane d’Arrioutort
L’un des accès les plus directs au sommet passe par Laruns. Il faut d’abord rejoindre la cabane d’Arrioutort (1564 m), accessible en environ 2h30 de marche. De là, l’itinéraire se prolonge jusqu’au col d’Iseye, avant de remonter vers la crête de la Marère. Ce parcours, sauvage et physique, s’étale sur près de 17 km pour 1300 mètres de dénivelé positif. L’ascension finale, sur des pentes herbeuses raides, exige un pied sûr et l’absence d’humidité. La prudence y est non négociable.
Depuis Aydius ou Accous (vallée d’Aspe)
Autre option : attaquer depuis la vallée d’Aspe, par Aydius ou Accous. Ces itinéraires, plus longs (de 15 à 18 km), offrent des variantes panoramiques via les cabanes d’Escuret, de Lapassa ou de la Laiterine. La montée est progressive, traversant forêts de hêtres, pâturages d’estive, puis blocs et pierriers. Les derniers mètres sont communs avec l’itinéraire Ossalois, convergeant vers une crête sommitale sans véritable sentier, mais balisée par des cairns et la mémoire de ceux qui l’ont déjà gravie.
Un terrain technique réservé aux randonneurs expérimentés
La particularité de la Marère réside dans sa partie finale. Le sommet ne se livre qu’au prix d’un effort technique. Deux options principales s’offrent aux grimpeurs :
- Par la gauche : la voie dite « normale », cotée PD (peu difficile), mais sur un terrain très exposé. Les pentes herbeuses peuvent être glissantes, surtout à la rosée.
- Par la droite : un passage plus rocheux, cotation PD+ avec un pas de III sur dalle, recommandé uniquement en conditions parfaitement sèches.
La descente s’effectue impérativement par la voie normale, en exploitant les ressauts naturels et les banquettes herbeuses. Toute erreur de trajectoire peut ici avoir des conséquences sérieuses. Les bâtons sont vivement recommandés, tout comme un bon sens de l’orientation.
Une randonnée au cœur d’un écrin naturel préservé
L’ascension vers la Marère traverse des écosystèmes variés. À basse altitude, on progresse sous les hêtres et les sapins, accompagnés par le chant discret du cincle plongeur ou du pic noir. En montant, la végétation se raréfie au profit des pelouses alpines, des rhododendrons et des gentianes. Quelques edelweiss, sur les crêtes, rappellent que la haute montagne est aussi un sanctuaire fragile.
La faune y est tout aussi remarquable. Des isards y évoluent fréquemment, notamment à l’approche du col de Lasbignes. Les vautours fauves planent régulièrement au-dessus des crêtes, scrutant le moindre mouvement. Avec de la chance, on peut aussi croiser la silhouette furtive d’un lagopède alpin ou entendre le cri du gypaète barbu, discret mais majestueux.
Recommandations essentielles avant d’entreprendre l’ascension
Le succès d’une randonnée vers la Marère repose sur une préparation minutieuse. Cette montagne ne s’improvise pas. Voici les éléments à intégrer à toute planification :
- Météo : choisir un créneau de plusieurs jours de beau temps stable. Le brouillard ou la pluie rendent certains passages dangereux, voire infranchissables.
- Matériel : chaussures de montagne rigides, bâtons, casque (en cas de chute de pierres sur les dalles), carte IGN au 1:25 000, et trousse de secours.
- Niveau : être capable d’évoluer sur terrain hors sentier, dans des pentes inclinées, avec de la fatigue accumulée.
Enfin, partir tôt est essentiel : la course dépasse souvent 7 heures de marche effective. Un retour de nuit sur ce type de terrain serait fortement déconseillé.
Les sommets voisins : un enchaînement spectaculaire
La Marère s’intègre dans une boucle de crête exceptionnelle, parfois surnommée « la couronne sauvage de l’Iseye ». Il est possible d’enchaîner plusieurs sommets dans une même journée :
- Montagnon d’Iseye (2173 m) : célèbre pour son lac en forme de cœur.
- Pic Mardas (2188 m) : point de vue imprenable sur le massif du Sesques.
- Table de Ponce (2154 m) : pause panoramique avant l’assaut final de la Marère.
- Pic de la Taillade (2071 m) et Pic de l’Escala (2076 m) : en option pour les plus endurants.
Cette enfilade de sommets constitue l’un des plus beaux enchaînements de crêtes du Béarn, à condition de respecter la météo et son niveau de forme physique.
Une randonnée confidentielle, mais marquante
Choisir la Marère, c’est refuser la facilité pour embrasser l’authenticité. Loin des sentiers battus, cette ascension exigeante impose le respect par son isolement, sa technicité et sa beauté brute. C’est une aventure complète, où chaque sommet devient un poste d’observation sur la géographie, la faune, la flore et l’histoire de la montagne pyrénéenne.
Pour les randonneurs aguerris, désireux de renouer avec le vrai visage des Pyrénées, la Marère est plus qu’une destination : c’est une épreuve, un rite de passage, une signature laissée dans la mémoire montagnarde.