En plein cœur du Sentier, à Paris, Red Katz ne se contente pas d’être un restaurant chinois de plus dans la capitale. Il s’impose comme un manifeste culinaire et esthétique, fruit d’une ambition assumée : revisiter la cuisine traditionnelle chinoise dans un écrin d’élégance néo-art déco. Derrière cette devanture vermillon, trois entrepreneuses franco-chinoises redessinent les contours de la gastronomie panasiatique, sans folklore inutile ni compromis sur la qualité. Ici, tout est pensé, millimétré, orchestré. Et ça se sent, autant dans l’assiette que dans l’ambiance.
Une vision franco-chinoise assumée, entre mémoire familiale et exigence contemporaine

Red Katz, c’est avant tout l’histoire de Claire Huang, Hélène Ding et Hélène Huang. Issues de familles de restaurateurs, elles n’ont pas simplement voulu ouvrir une « bonne adresse asiatique ». Elles ont voulu raconter une double culture, un héritage transmis entre deux mondes. À travers ce lieu, elles célèbrent la richesse de la cuisine chinoise tout en la mettant au diapason des attentes occidentales, urbaines, modernes. Chaque plat est le fruit d’un travail d’orfèvre réalisé par trois chefs distincts, spécialisés dans les arts du dim sum, du wok et de la rôtisserie. Une organisation peu commune dans la restauration parisienne, mais révélatrice d’un perfectionnisme rare.
Une carte lisible, généreuse et technique
Des dim sum d’auteur, signatures de la maison
Impossible d’entrer chez Red Katz sans commencer par ses dim sum. Véritables œuvres miniatures façonnées à la main, ils combinent technicité culinaire et subtilité gustative. Les Siù Mái aux crevettes, porc et ciboulette explosent en bouche avec une intensité maîtrisée. Les Xiaolongbao, ces raviolis gorgés de bouillon, demandent un art du geste à la dégustation. La pâte est fine, la farce équilibrée, le bouillon brûlant et savoureux : un triptyque d’excellence rarement atteint à Paris.
Plats traditionnels et compositions originales
Red Katz ne se contente pas de reproduire les grands classiques. L’entrecôte sautée au wok, par exemple, fusionne techniques occidentales et saveurs orientales. Grillée à la plancha, puis réhaussée au poivre noir, aux champignons et poivrons, elle révèle des textures contrastées et une profondeur aromatique rare. Mention spéciale également au poulet Lazi, relevé juste ce qu’il faut pour respecter la sensibilité gustative d’un public non initié. Les aubergines sauce Yuxiang figurent parmi les meilleures de la capitale, fondantes, épicées et parfumées à souhait.

Un lieu spectaculaire, hommage au Shanghai des années 1930
La mise en scène n’est pas en reste. Le Studio Louis Morgan signe une décoration éblouissante, entre esthétique rétro hollywoodienne et touches asiatiques raffinées. Marbre vert onyx, miroirs biseautés, banquettes tapissées, luminaires suspendus comme des nuées de lanternes : Red Katz offre une immersion totale. Le sous-sol, véritable cabinet de curiosités, abrite plusieurs salles privées dont l’une est dissimulée derrière des miroirs. Une scénographie pensée pour impressionner… et pour Instagram.
Service précis, prix en cohérence avec la promesse
Red Katz n’est pas un restaurant pour déjeuner sur le pouce. C’est un lieu d’expérience. Si les prix peuvent sembler élevés – dim sum à partir de 12 €, plats entre 27 et 32 €, desserts autour de 13 € – ils se justifient par la qualité des produits, le savoir-faire en cuisine, et un cadre hors normes. Un menu déjeuner à 28 € permet cependant une première découverte plus abordable. Quant aux cocktails maison, ils rivalisent avec les bars spécialisés. Le Velvet Lotus, à base de litchi et tequila, en est l’exemple le plus convaincant.
Une démarche ambitieuse qui redéfinit la cuisine chinoise à Paris
Ce que réussit Red Katz, c’est un équilibre subtil : rendre hommage à la tradition sans tomber dans le passéisme, séduire les palais français sans édulcorer les recettes, proposer un décor somptueux sans tomber dans le kitsch. C’est aussi une réponse claire à un manque dans le paysage gastronomique parisien : celui d’une cuisine chinoise haut de gamme, désinhibée, pensée comme une expérience complète. Dans un registre jusqu’ici dominé par les cantines du 13e ou les institutions figées, Red Katz s’affirme comme un trait d’union audacieux entre deux extrêmes.
Un regret ? L’inaccessibilité du canard laqué sans réservation préalable. Préparé selon un rituel exigeant sur deux jours, il reste l’objet de toutes les convoitises. Mais c’est justement ce niveau d’exigence qui fait de Red Katz un établissement à part.
Adresse : 14 Rue de Cléry, 75002 Paris
Horaires : tous les jours de 12h à 14h30 et de 19h à 23h
Instagram : @redkatzparis
À l’heure où la scène culinaire parisienne cherche à se renouveler sans perdre son exigence, Red Katz apporte une réponse limpide : on peut concilier mémoire, innovation et raffinement, sans renier ses racines. Un pari culotté, mais brillamment relevé.